Rencontre avec Back Makers United

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’interviewer des membres de Back Makers United, le nouveau syndicat de Back Market à New York !

Si vous n’avez pas encore suivi l’actualité, iels ont demandé à être reconnu·es par l’entreprise. Aux États-Unis, les employé·es doivent passer par ce processus pour être officiellement reconnu·es, contrairement à l’Europe. En réponse, la direction a imposé un vote le 15 janvier, au lieu de les reconnaître volontairement, et a embauché un cabinet d’avocats réputé pour ses activités antisyndicales.

Nous avons l’honneur de recevoir John et Kate pour nous en dire plus sur leurs motivations, les raisons qui les ont poussé·es à former un syndicat et leurs souhaits pour l’entreprise.

Iels font partie de Back Market depuis 2022, et même s’iels ont été victimes des licenciements cette année-là, iels ont quand même décidé de revenir.

👋 Bonjour et bienvenue ! Pouvez-vous vous présenter ?

John : Je suis John, Seller Lifecycle Manager, et je vis à Brooklyn ! Vous me connaissez peut-être aussi comme « cet Américain avec la moustache ».

Kate : Je suis Kate, Advanced Internal Care & eReputation Agent. Je vis aussi à Brooklyn !

📌 Comment en êtes-vous venu⋅es à travailler à BM ?

John : Bizarrement, j’ai grandi avec droit à la réparation. Je réparais et déverrouillais des iPod touch à l’école, donc quand j’ai découvert Back Market, c’était parfait pour moi.

Kate : J’ai travaillé chez Tekserve, une boutique locale adoré·e de NYC spécialisée dans la réparation et le reconditionnement de Mac, qui est malheureusement fermée maintenant 😭. J’ai adoré ça et j’ai beaucoup appris sur la réparation des vieux ordinateurs. Puis nous avons commencé à voir des modèles plus récents conçus pour ne pas être réparables, et ça m’a toujours titillé. Quand j’ai découvert Back Market, je me suis dit : c’est un projet que je veux soutenir ! 🌹

🤗 Qu’est-ce que vous préférez dans le fait de travailler ici ?

John : Les gens ! J’ai développé de véritables amitiés en travaillant ici, la culture est vraiment solidaire et chaleureuse.

Kate : Clairement les gens. Notre mission et notre culture attirent des personnes bienveillantes qui veulent améliorer les choses. C’est rare !

☝️ Si vous pouviez changer une chose à BM, ce serait quoi ?

John : Aux États-Unis, j’aimerais qu’on abandonne les contrats de gré à gré (At Will), où l’employeur peut licencier à tout moment pour n’importe quelle raison.
Je préférerais qu’un motif réel et sérieux (Just Cause) soit nécessaire, avec un processus d’arbitrage formel et des protections contre les licenciements injustifiés.
Au niveau mondial, j’aimerais voir l’entreprise prendre une position plus forte contre l’utilisation inutile de l’IA générative, car ce n’est vraiment pas écologique.

Kate : J’aimerais aussi voir l’abandon du gré à gré et des garde-fous concernant l’utilisation de l’IA dans l’entreprise !
De plus, nous avons vraiment besoin d’une rémunération indexée sur le coût de la vie dans la zone autour de notre bureau, surtout si nous suivons et imposons le travail au bureau.

🫶 Quel est votre mantra préféré ?

John : « It’s not Green Enough ». Ce mantra, emprunté au fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard, résonne toujours autant en moi qu’en 2022 quand j’ai rejoint l’entreprise.
Nous devrions toujours trouver une meilleure façon de faire, plus responsable socialement et écologiquement.
Cela me rappelle une autre citation de Chouinard que j’adore : « Chaque fois que nous avons fait ce qui était juste, cela a fini par nous rapporter plus d’argent ».

Kate : Pour moi, c’est « Humble Hearts, Dirty Hands ». J’adore l’égalitarisme.
J’aime que nous disions, en tant qu’entreprise, qu’aucun travail n’est inférieur ou moins important. Nous reconnaissons au niveau de l’entreprise que tous les rôles contribuent à notre succès commun et qu’aucun type de travail n’est « indigne » de quelqu’un d’autre. Chaque emploi demande des compétences et du travail acharné, et chaque travailleur·euse mérite d’être reconnu·e pour cela. C’est beau, honnêtement.

✊ Comment en êtes-vous venu⋅es à parler d’un syndicat ?

John : Cette année, nous avons vu plusieurs départs et licenciements. En parallèle, les augmentations n’ont pas suivi pas le coût de la vie à NYC.
Les deux ensemble nous ont poussés à lancer la discussion, car nous avons réalisé qu’il fallait se serrer les coudes et se défendre les un⋅es les autres.
Un syndicat nous donne l’opportunité d’obtenir des protections contre les licenciements injustes et de négocier ensemble pour un salaire décent.

Kate : Je suis d’accord, le départ soudain de nombreux·ses collègues a été vraiment choquant. Cela m’a fait sentir, ainsi qu’à d’autres Back Makers, que nos emplois et notre avenir n’étaient pas assurés ici, même si nous nous donnons à fond pour atteindre une croissance remarquable aux États-Unis.
Concernant les salaires, les promotions sont souvent le seul moyen d’obtenir une augmentation, mais on a dit à beaucoup d’entre nous qu’il n’y avait aucun moyen d’évoluer dans l’entreprise sans déménager en France. Il nous a semblé que nous étions à court d’options et que nous devions nous tourner les un·es vers les autres.

🗣️ Avez-vous discuté avec la direction ?

John : Nous avons en fait pas mal parlé avec la direction ! Il y a eu plusieurs town halls et réunions tout au long de l’année, où nous avons communiqué clairement les problèmes auxquels nous faisions face, comme les salaires et les augmentations trop faibles, le manque de protections, etc.
Un jour, j’ai demandé « quelle raison donneriez-vous à quelqu’un pour qu’iel s’investisse et se construise un avenir ici ? », et j’ai été choqué d’entendre une réponse qui était en gros : « si ça ne te convient pas, je te ferai une lettre de recommandation pour ton prochain boulot ».

Kate : Nous avons remonté des préoccupations de plusieurs façons à plusieurs occasions, et nous avons été entendu·es sur certains points, comme la question du Health Saving Account (un plan d’épargne défiscalisé pour payer les dépenses de santé, NdT).
Mais comme John l’a dit, tout aussi souvent nos demandes ont été rejetées ou reportées. Nous avons atteint un point où on ne pouvait tout simplement plus attendre.

🇫🇷🇪🇸 Les syndicats de BM en Europe vous ont-ils inspiré⋅es ?

John : Absolument ! Savoir que tant de Back Makers avaient déjà franchi cette étape nous a donné du courage, cela nous a renforcé·es dans notre résolution. Nous savions que nos collègues syndiqué·es seraient solidaires avec nous, ce qui nous a donné un gros avantage.

Kate : À cent pour cent. Savoir que nos collègues ont déjà ces syndicats en place a été vraiment inspirant et d’une grande aide pour convaincre les Back Makers de soutenir nos efforts !

💸 Vous parlez beaucoup salaires, NY est une ville chère ?

John : New York City traverse actuellement une crise du coût de la vie.
Le MIT estime que pour une personne sans enfants à NYC, le salaire minimum de survie est d’environ 70 000 $. Certains Back Makers qui travaillent ici depuis 5 ans ne gagnent toujours pas ce montant.
De plus, à une époque où les coûts du logement à NYC ont augmenté de près de 6 %, de nombreux·ses Back Makers que nous avons interrogé·es ont vu leurs salaires augmenter de 2 à 3 %, ce qui équivaut essentiellement à une baisse de salaire.
Si vous combinez cela avec le fait que de nombreux·ses Back Makers, moi y compris, sont toujours payé·es en dessous de la fourchette salariale pour leur poste, ce n’est tout simplement pas équitable.

Kate : Cela devient tout simplement irréalisable de rester dans un emploi où c’est la situation. Resteriez-vous dans un endroit où on vous coupe le salaire de 4 à 3 % chaque année ?

🫤 Déçu⋅es que BM fasse appel à un cabinet antisyndical ?

John : La direction de Back Market avait l’opportunité de prouver que nous vivons vraiment selon les valeurs B-Corp, de faire ce qui est juste, et de reconnaître volontairement notre syndicat. Un simple contrôle des cartes leur aurait montré que nous avons 75 % de soutien parmi les employé·es éligibles, ce qui signifie qu’une supermajorité de Back Makers veut un syndicat !
Au lieu de cela, iels ont choisi de faire appel à un cabinet d’avocats qui a 40 ans d’historique d’activités antisyndicales. Ce cabinet a été dénoncé dans les médias pour ses pratiques contraires à l’éthique, a tenté de casser le syndicat des pompiers et a même été réprimandé par le New York Public Employment Relations Board pour sa conduite.
Plus précisément, l’avocat avec qui iels travaillent, Peter Jones, a été dans les médias pour avoir suggéré que les universités devraient exclure les étudiant·es et les professeur·es de leurs écoles pour les « intimider » parce qu’iels osaient se syndiquer.
C’est décevant que la direction préfère dépenser autant d’argent pour retenir leurs services plutôt que de donner à ses employé·es une place à la table des négociations.

Kate : Pensez à ce que les honoraires de ces avocat·es pourraient payer à la place. Ce n’est pas seulement dommageable pour notre marque, c’est dommageable pour notre mission parce que de vraies ressources de l’entreprise sont maintenant détournées de la lutte contre le neuf. BSK est également connu pour faire traîner inutilement ces processus, ce qui signifie commodément plus d’heures facturables.

👨‍💼 L’élection de Mamdani à NY vous a-t-elle inspiré·es ?

John : Je pense que la campagne de Mamdani abordait beaucoup des mêmes problèmes que notre mouvement. Il comprend que NYC est tout simplement trop chère pour qu’une personne moyenne y vive. Le fait qu’il défende aussi les droits syndicaux est également très important.
Une phrase de son discours de victoire qui m’est restée :

« Nous nous tiendrons aux côtés des syndicats et étendrons les protections du travail parce que nous savons que lorsque les travailleur·euses ont des droits solides, les patrons qui cherchent à les exploiter deviennent très petits. »

Kate : La victoire de Zohran a donné à beaucoup de New-Yorkais·es et d’Américain·es progressistes une énorme dose d’espoir – nous en avions vraiment besoin ! Le fait est que son message résonne auprès des gens parce que nous en avons assez et avons désespérément besoin de changement. C’est génial de le voir sur les lignes de piquetage avec les baristas de Starbucks !

🔥 Donc en résumé, vous voulez mettre le feu à la boîte ?

John : Pas du tout ! Nous avons lancé ce mouvement principalement par amour pour Back Market. Nous voulons tou·tes voir l’entreprise et la mission réussir, sinon nous ne serions pas là.
Nous croyons qu’un avenir durable doit nous inclure tou·tes.

Kate : Pas du tout. Nous sommes juste des travailleur·euses ordinaires qui aiment Back Market et ce que BM représente, et qui aimeraient rester dans l’entreprise à long terme.
Nous tenons à cet endroit et voulons qu’il soit possible d’y construire un avenir. Nous aimerions vraiment que la direction travaille avec nous pour que cela puisse se produire.